Rencontre avec Arnaud Friedmann, un écrivain bisontin qui a connu un beau succès avec son 7e ouvrage, “La vie secrète du fonctionnaire”, publié chez JC Lattès.
Parlez-nous de vous :
Je suis né à Besançon, en 1973, et j’ai fait toutes mes études dans cette ville : écoles Montrapon puis Fanart, collège Montjoux (à l’époque), lycée et prépa littéraire à Pasteur, enfin la fac d’histoire. Mon mémoire de maîtrise portait sur l’immigration cambodgienne dans le Doubs entre 1975 et 1995. Ensuite j’ai travaillé à l’ANPE puis dans une Maison de l’Emploi, à Auxerre et à Saint-Dié-des-Vosges. Je vis maintenant dans la maison construite par mon arrière grand-père italien, à 25 km de Besançon.
Et l’écriture dans tout ça ?
J’ai grandi fils unique, et sans télévision. La lecture a toujours été ce qui m’a permis de vivre d’autres vies que la mienne. Je trouvais merveilleux le pouvoir des romans (en particulier quand j’étais jeune les romans historiques de Dumas), et petit à petit l’idée s’est imposée que j’écrirais moi aussi. J’ai fait lire mes premiers textes autour de moi, puis à des éditeurs, et même s’il m’a fallu attendre l’âge de 30 ans pour être publié (c’était long, je me souviens des espoirs que j’avais de recevoir une réponse positive dans ma boite aux lettres), j’avais toujours des encouragements qui me poussaient à poursuivre.
Comment conjuguez-vous travail et activité professionnelle ?
J’écris la trame de mes romans l’été (en Italie, dans les Marches), à raison de 3 à 5h par jour. Le reste de l’année, je corrige, complète, reprend… Au début, avoir une activité autre que l’écriture était indispensable financièrement, bien sûr, mais ça me permettait aussi d’avoir un pied dans le réel, de ne pas vivre que dans le monde de la fiction. De garder la liberté d’écrire ce que je voulais. Parfois, quand il y avait des tensions dans mon activité professionnelle, je me disais : ce n’est pas grave, ce qui compte c’est l’écriture. Et quand je recevais des réponses négatives d’éditeurs, je me disais : ce n’est pas si grave, j’ai un métier qui me plait.
Comment écrivez-vous? Avec un plan ou au feeling ?
Ce qui m’intéresse, c’est de partir d’une situation qui m’interpelle, et de la dérouler… je ne sais jamais réellement où je vais. Pour mon roman Le fils de l’Idole, le point de départ a été une info entendue à la radio : le suicide de la compagne d’un chanteur, qui lui aussi s’était donné la mort quelques semaines plus tôt. Le journaliste terminait en disant que le couple avait un bébé de quelques mois. Pendant plusieurs années, j’ai su que je ferais quelque chose de cette information, je ne savais pas quoi, mais il fallait ce temps… peut être que de manière inconsciente le cerveau amasse des infos, les ajoute au projet en germe… un été je me suis mis à ma table et le roman est « né » d’un coup.
Vous vous étiez documenté sur les personnages réels ?
Non, au contraire. Ce qui m’intéresse, c’est justement de parvenir à créer des personnages qui soient plausibles, mais en allant les chercher uniquement en moi. Pour Jeanne en Juillet, l’histoire d’une mère qui attend son premier enfant, j’ai pris le pari que même les sensations de la grossesse, je parviendrais à les rendre sans trop me documenter. Et ça a plutôt bien marché, puisqu’un jour, au salon du livre de Besançon, une sage femme m’a dit qu’elle ne pouvait pas croire que le roman avait été écrit par un homme !
Quels sont vos thèmes de prédilection ?
Ce qui m’intéresse, c’est de décortiquer les relations contemporaines, notamment au sein de la cellule familiale. La seule exception, c’est mon recueil de nouvelles, La vie secrète du fonctionnaire, où j’ai eu envie d’évoquer ma perception du monde du travail – que je trouve de plus en plus déshumanisé et anxiogène. Mais même dans ce texte, j’en reviens à l’humain, à l’impact qu’a sur nos vies le poids de l’activité professionnelle quand elle a perdu beaucoup de son sens.
Pour finir, des projets ?
Depuis septembre, j’ai repris avec Jean-François Tréhant la librairie Les Sandales d’Empédocle. C’est passionnant, ça me permet de voir un autre pôle de la chaîne du livre. Je vais aussi publier un texte sur la ville d’Auxonne, autour de photographies de David Cesbron ; puis au printemps, un roman jeunesse tiré de mon mémoire de maîtrise, dans une nouvelle maison d’édition (Lucca éditions) qui s’est donné pour mission de faire de la vulgarisation scientifique pour le public enfant et adolescent.
“La vie secrète du fonctionnaire” (Éd. JC Lattès)
Les dix nouvelles de « La vie secrète du fonctionnaire » mettent en scène des salariés de la fonction publique confrontés à un quotidien sclérosant, à la surenchère des réglementations et à l’obsession statistique de leur hiérarchie. à l’occasion d’une rencontre ou d’un moment critique, ils osent (ou rêvent de) briser la routine, faire un pas de côté pour s’affranchir de la norme. Apercevant une occasion de rompre avec la monotonie quotidienne et de peut-être tout reconstruire, certains passent le pas, d’autres hésitent ou ne peuvent s’y résoudre.
Avec beaucoup d’empathie et d’humour, ces nouvelles dressent le portrait d’une génération qui s’interroge sur son rapport à un monde du travail de plus en plus « objectivé », une génération qui cherche par tous les moyens à préserver son humanité dans ou hors du cadre professionnel. Le stress des fonctionnaires n’est pas – toujours – là où on l’attend.
Prix de vente : 17 € TTC